La démocratie, à l'origine...


En janvier 2012, j'écrivais pour la Revue des deux mondes un article (non fictif et peu rémunéré!) intitulé "Athènes et le modèle démocratique" dans lequel je rappelais les fondements de ce que les Grecs nommaient démocratie. Le moment me semble approprié pour le remettre en lumière ! Bonne lecture !


 

Dans nos mentalités contemporaines occidentales, l’idée d’élection rejoint celle de démocratie, où sont défendus liberté d’expression, suffrage universel et droit de vote, qui accordent à chaque citoyen électeur le pouvoir de désigner, aux diverses fonctions de direction de son pays, les représentants de son choix. Remontons donc à la source de la démocratie pour tenter de  comprendre comment est née l’idée d’élection et surtout comment elle était pensée à son origine…

 

À la question « où est née la démocratie ? », sans hésitation aucune répond-on « dans la Grèce antique ». « Le berceau de la démocratie », telle est, en effet, l’expression fréquemment utilisée pour désigner la Grèce, plus précisément l’Athènes de l’époque dite communément « classique », où l’on s’accorde à penser que naquit ce régime politique original et idéal, par lequel le pouvoir (kratos) est donné au peuple (dèmos). La Grèce actuelle porte, d’ailleurs, le nom de Elliniki dhimocratia, à proprement traduire par « Démocratie hellénique » ; de notre côté, nous l’appelons « République hellénique », l’alignant sur notre « République française », ce qui montre bien que coïncident, dans nos façons de penser, « république » (du latin respublica « l’affaire du peuple ») et « démocratie », qui renvoient, l’une et l’autre, aux valeurs de liberté et d’égalité chères aux deux nations. Par leur histoire, les Français s’unissent autour des idéaux de « Liberté, égalité, fraternité », les Grecs autour de leur devise Eleftheria i thanatosLa liberté ou la mort »).

Dans le fameux discours que prononça le non moins fameux Périclès à titre d’éloge funèbre en l’honneur des premiers morts de la guerre du Péloponnèse (Ve siècle av. J.-C.) et qui nous a été transmis par l’historien Thucydide, le chef politique athénien évoque ce régime spécial, ce qui en fait sa particularité et sa haute valeur paradigmatique :
« Dans nos institutions politiques [politéia], nous ne cherchons pas à copier les lois des autres peuples ; nous servons de modèle [paradeigma], au lieu d’imiter autrui. Le nom de notre gouvernement est démocratie, parce que le pouvoir relève non du petit nombre [oligous] mais de la multitude [pleious]. Dans les différends entre particuliers, il y a pour tous égalité devant la loi : quant à la considération, elle s’attache au talent dans chaque genre, et c’est bien moins le rang qui décide de l’élection aux emplois publics que les mérites personnels ; la pauvreté, une condition obscure ne sont pas un empêchement, du moment que l’on peut rendre quelque service à l’État. Pleins de franchise et de droiture dans l’administration des affaires publiques, nous ne portons pas, dans le commerce journalier de la vie, un œil soupçonneux sur les affaires d’autrui ; nous ne nous irritons pas contre notre semblable, s’il accorde quelque chose à son plaisir ; nous savons lui épargner cet aspect dur et sévère qui, sans être une peine, n’en est pas moins blessant. Sans rudesse dans nos relations privées, nous nous conformons aux lois dans nos actes publics, surtout par respect pour elles ; nous obéissons aux magistrats, quels qu’ils soient, aux lois en vigueur, surtout à celles établies dans l’intérêt des opprimés, et à celles qui ne sont pas écrites, il est vrai, mais à la violation desquelles la honte a été attachée d’un commun accord. (1) »


La démocratie : tous électeurs... ou tous élus ?


Comment faire que le pouvoir relève du plus grand nombre ? Telle est la question première, cruciale et délicate, qu’il fallait absolument résoudre pour sortir de la violente et longue crise qui, opposant le peuple à la riche minorité détentrice de tous les pouvoirs, minait la cité, au début du VIe siècle avant notre ère. Ce fut Solon qui signa la fin de cette guerre civile grâce aux diverses réformes qu’il mit en place, notamment l’abolition des dettes et une nouvelle répartition des classes censitaires. Dans la Constitution d’Athènes (2), précieux traité datant des environs de 330 av. J.-C., découvert tardivement et édité pour la première fois en 1891, son auteur (on dira, par commodité, Aristote) retrace l’histoire des différentes Constitutions athéniennes et dit qu’avec Solon commença la démocratie. Disparue sous la tyrannie de Pisistrate, elle réapparaît, renforcée, grâce aux réformes de Clisthène, s’efface à nouveau après les guerres médiques, où le pouvoir fut octroyé à l’Aréopage, pour revenir entre les Quatre Cents (411 av. J.-C.) et la tyrannie des Trente et des Dix (404 av. J.-C.). Ensuite se mit en place le régime qui est celui sous lequel vit Aristote, et qui est le plus démocratique dans le sens où il accorde les plus grands pouvoirs à la masse populaire. « Car le peuple s’est rendu maître de tout, et tout est réglé par les décrets et les tribunaux où le peuple est souverain (Constitution d’Athènes, XLI). » La souveraineté du peuple est donc une souveraineté active et actée par chacun des individus qui sont ce peuple. Athènes se dit d’ailleurs « les Athéniens » et, pour eux, la cité, en tant que tout, est par essence composée d’entités différentes. Que toute société est fondée sur la différenciation est précisément une définition de base que rappelle Aristote, au deuxième livre de ses Politiques (3) : « une cité n’est pas formée d’individus semblables » (ou gar ginetai polis ex homoiôn), et « les éléments d’où doit résulter une unité sont spécifiquement différents ». Le régime de la polis doit donc rendre compte de chacun des individus qui la constituent. Selon Aristote, comme il est évident que tous les hommes ne peuvent être au pouvoir en même temps, la solution est qu’ils se succèdent, et donc soient, tour à tour, gouvernants et gouvernés.

Dans la démocratie athénienne, tout citoyen a donc le droit et le pouvoir d’être élu. Être élu, c’est-à-dire participer activement aux affaires de la cité, voilà ce qui semble être la définition originellement la plus juste du citoyen, avant même celle qui est devenue la nôtre « élire », à quoi équivaut – se résume, pourrait-on presque dire – pour nous accomplir notre devoir de citoyen. Cette différence de perspective, peu remarquée, est pourtant frappante quand on aborde les textes politiques grecs, pour peu qu’ôtant nos lunettes teintées par nos définitions actuelles, on les lise avec un œil vierge. Elle est intéressante car elle permet d’expliquer et de rendre parfaitement logique l’existence d’éléments de la culture politique de l’Athènes antique qui ont beaucoup intrigué, voire choqué. Ainsi en est-il du mode d’élection par tirage au sort.

 

Une culture de l’élection par tirage au sort


Aussi surprenant que ce phénomène puisse paraître à nos yeux, le mode électoral le plus démocratique est le tirage au sort. « Il est démocratique que les magistratures soient attribuées par tirage au sort, et oligarchique qu’elles soient issues d’un choix de vote », déclare Aristote (Politiques, IV, 9). Et, en effet, dans la Constitution d’Athènes, la liste des fonctions auxquelles on accède par tirage au sort est très longue. En voici un extrait (XLIII, et sqq.) :
« [...] tous les magistrats de l’administration ordinaire sont désignés par le sort, excepté le trésorier des fonds militaires, les administrateurs du fonds des fêtes et l’intendant du service des eaux qui sont élus à main levée et restent en charge d’une fête des Panathénées à la fête suivante. Toutes les fonctions militaires sont également données à l’élection. Le Conseil est désigné par le sort : il se compose de cinq cents membres, cinquante par tribu. Chaque tribu exerce la prytanie à son tour, dans l’ordre fixé par le sort [...]. Les trésoriers d’Athéna sont au nombre de dix, tirés au sort, un par tribu [...]. Viennent ensuite les dix vendeurs, désignés par le sort, un par tribu [...]. Il y a dix receveurs généraux tirés au sort, un par tribu [...]. Sont encore tirés au sort dix auditeurs de comptes par le Conseil en son sein, pour recevoir à chaque prytanie les comptes des magistrats. Il tire également au sort dix redresseurs, un par tribu, et deux assesseurs pour chacun. Le sort désigne également : dix commissaires pour l’entretien des temples [...], dix commissaires de police [...], dix inspecteurs des marchés [...], dix inspecteurs des mesures [...], dix commissaires du commerce des grains [...], dix inspecteurs du corps marchand [...]. On désigne aussi par le sort les Onze, qui ont à s’occuper de ceux qui sont dans la prison [...]. Sont aussi tirés au sort les Quarante – à raison de quatre par tribu –, à qui ressortissent les autres actions civiles [...]. On a encore recours au sort pour les charges suivantes : cinq agents voyers auxquels il est prescrit d’entretenir les routes [...], dix auditeurs des comptes et dix substituts qui les assistent [...], le secrétaire de prytanie [...], les dix commissaires pour les sacrifices [...], les neuf archontes (les six thesmothètes, l’archonte, le roi et le polémarque), et les maîtres des jeux. »
Cette pratique s’est même élargie au fur et à mesure de la démocratisation de la Constitution, comme l’atteste l’évolution du mode d’élection de plusieurs charges, par exemple le secrétariat de prytanie. Chargé des écritures publiques, cet élu occupe une fonction importante et prestigieuse. À l’époque d’Aristote, il est désigné par le sort ; auparavant, il l’était par vote à main levée, qui « y portait les citoyens les plus illustres et les plus dignes de la confiance du peuple » (Constitution d’Athènes, LIV).

Ce système largement privilégié a l’avantage aussi évident pour eux qu’hallucinant pour nous de permettre à tout citoyen de participer activement et directement aux affaires collectives. Comme l’observe José Antonio Dabdab Trabulsi (4), à propos du Conseil composé de 500 membres, 50 par tribus :
 « Comme il était composé par tirage au sort, et comme les permanences étaient définies par tirage au sort et qu’on ne pouvait être membre du Conseil plus de deux fois dans la vie, une part considérable de citoyens athéniens ont été membres du Conseil et, parmi ceux-ci, la majeure partie l’ont même présidé un jour (et donc présidé la République des Athéniens). »
La chose est si singulière à nos yeux que l’on a mis du temps à comprendre la fonction d’étranges blocs en marbre comportant des rainures disposées en lignes et colonnes : il s’agit, en réalité, d’appareils à tirage au sort, klèrôtèria, dans lesquels on insérait des plaquettes (pinakia), retrouvées en grand nombre, sur lesquelles étaient inscrits les noms des citoyens. Un système de tubes permettait d’introduire des dés blancs et noirs, qui tombaient devant les colonnes et déterminaient, par leur couleur, si les citoyens dont les plaquettes s’y trouvaient était retenus ou non pour la charge en question (5). Un exemplaire d’un klèrôtèrion en marbre figure au musée de l’Agora (voir photo en fin d'article).

L’élection par tirage au sort est, en fait, une pratique très ancienne et bien antérieure à la démocratie : dans l’Iliade et l’Odyssée, il s’agit de la technique utilisée pour choisir quel héros assumera telle mission, quelle qu’elle soit. C’est que s’en référer au sort a une signification très profonde pour les Grecs, là où nous voyons superstition, jeu de hasard, et « lotocratie ». S’en remettre au destin (6), c’est laisser agir cette force d’intelligence structurante qui donne sens et harmonie à l’univers et à tout ce qui le compose. « Obtenir par tirage au sort tel poste ou telle fonction » se dit d’ailleurs  lagkhanein, qui renvoie à Lachésis, l’une des trois Moires, filles de Zeus et de Thémis, divinités de la destinée qui assignent à chacun son lot de vie. Au-delà de l’aspect « religieux », le sens qu’il faut y voir est celui de la répartition des fonctions et des honneurs à chacun, telle qu’elle donne cohérence et unité à l’ensemble que constitue l’univers dans la Théogonie d’Hésiode, l’un des textes fondamentaux si l’on veut comprendre la pensée grecque. Y est affirmée, grâce à l’exemple de Zeus, dont la puissance est précisément de répartir avec justice les honneurs spécifiques à chaque être naissant dans ce poème narrant la généalogie du monde en même temps que celle des dieux, l’idée que chacun a, au sein du tout, une place différente et de valeur égale. L’égalité vient de la différence et de la reconnaissance de cette différence. Pensée que l’on retrouve dans la définition, citée plus haut, que donne Aristote de la polis.

Que cette pratique pré-démocratique soit précisément la plus démocratique a beaucoup gêné, mais sa logique est naturelle si elle est combinée à la deuxième caractéristique de la démocratie, l’absence de cens : « il est démocratique que les magistratures ne dépendent pas d’un cens, et comme oligarchique qu’elles dépendent d’un cens » (Aristote, Politiques, IV, 9).  Voilà les deux conditions d’un processus électoral démocratique : le tirage au sort parmi tous les citoyens. On comprend dès lors mieux la composition même du corps électoral : si celui-ci est pensé d’abord pour que le maximum de citoyens puissent remplir les fonctions institutionnelles, il est « évident » que n’en font pas partie les personnes dont la place, dans le système de la Grèce antique, est ailleurs et la fonction autre : tel est le cas des femmes, des hommes jeunes, des métèques (étrangers), et des esclaves. Cet état de fait a beaucoup choqué... et a peut-être fait oublier que le droit de vote des Françaises n’a pas encore fêté ses soixante-dix ans, alors même que leur fonction sacrée de protection du vivant, qui définit l’identité féminine en Grèce antique ainsi que dans bien d’autres peuples, leur a été retirée depuis fort longtemps. Quant aux conditions d’accès au vote des étrangers, il s’agit là de questions éminemment délicates et toujours en grande partie, de nos jours, irrésolues.


L’élection par vote à main levée : l’action directe du citoyen


Les seules fonctions données à ce qui correspond à notre concept d’élection sont les fonctions militaires, qui exigent des compétences particulières. Ainsi en est-il des dix stratèges (7), élus à main levée par le peuple, qui, régulièrement, vote pour les confirmer dans leurs charges s’il estime qu’ils s’en acquittent correctement. L’Assemblée du peuple, ekklèsia, est sans doute l’organe démocratique le plus célèbre. Au IVe siècle avant Jésus-Christ, elle réunissait quarante fois par an les Athéniens désireux de participer à la vie politique. Tous ne venaient évidemment pas et l’on raillait volontiers l’Assemblée déserte ou ennuyeuse : la liberté de la démocratie est aussi celle de ne pas être obligé de participer à ce qui est mis en place. Il n’empêche que le citoyen qui avait envie de prendre part aux décisions de sa cité pouvait se rendre à ces réunions politiques majeures et bénéficier d’une indemnité lui permettant de laisser son travail en suspens (le misthos). Réunions politiques majeures, certes, car non seulement chacun pouvait s’exprimer librement par la parole – c’est la fameuse isègoria, l’égalité de parole – mais on y votait aussi, à main levée, des décisions sur des questions extrêmement diverses, qui pouvaient être anodines (petites dépenses) comme capitales (vote de décrets importants, ostracisme, c’est-à-dire exil d’un homme politique devenu dangereux pour la communauté). Dans la majorité des cas, le vote de l’Assemblée relève de ce qui pour nous est de l’ordre du référendum. L’élection désigne rarement un homme : elle approuve ou rejette une proposition.


La liberté en partage...


Comme le dit Aristote :
« Le principe de base de la Constitution démocratique, c’est la liberté (c’est, en effet, ce qu’on a coutume de dire, parce que c’est seulement dans une telle Constitution que les citoyens ont la liberté en partage ; c’est à cela, en effet, que tend, dit-on, toute démocratie) et l’une des formes de la liberté, c’est d’être tout à tour gouverné et gouvernant » (Politiques, VI, 2).
 
Le mieux, même, ajoute-t-il, serait de n’être gouverné par personne, ou sinon de l’être à tour de rôle. Il semble bien que l’Assemblée permette à l’Athénien gouverné de l’être un peu moins et d’être un peu plus gouvernant. L’élection est donc plus qu’une liberté d’expression : c’est une liberté d’action et de co-action avec ses concitoyens, en partage et construction commune. 

 

Past is past ?


Cette culture politique de participation directe et dirigeante, active et concrète, semble, soudainement, bien éloignée de la nôtre… Dans l’Antiquité déjà, des questions soulevées laissaient entrevoir que ce système où les dirigeants sont tirés au sort parmi tous les citoyens et les décisions soumises au vote direct du corps électoral se modifierait largement. L’incompétence des élus tirés au sort est dénoncée par de nombreux penseurs. « Les rois, les magistrats, disait Socrate, ce ne sont pas ceux qui tiennent un sceptre, ni ceux qui ont été élus par les premiers venus, ni ceux qui ont été tirés au sort, ni ceux qui ont usé de force ou de tromperie, mais ceux qui savent commander » (Xénophon, Mémorables III, 9-10). Les fonctions politiques requièrent des savoirs et qualités qui ne sont pas affaire de tous, c’est ce que défend également Platon, dont l’idéal est de voir à la tête de la cité un philosophe-roi. Aristote tente de trouver un juste équilibre entre qualité du dirigeant et respect du droit de vote de chacun : cette Constitution sera un mélange entre l’oligarchie et démocratie. « Il sera donc aristocratique et propre au gouvernement constitutionnel de prendre chacun des deux côtés : à l’oligarchie, le fait d’avoir des magistratures électives, à la démocratie l’absence de cens » (Politiques, IV, 9). Il conseille aussi d’imiter le gouvernement de Tarente, où les magistratures sont divisées en deux, les unes sont électives, les autres tirées au sort : « tirées au sort pour que le peuple y ait part, électives pour avoir un meilleur gouvernement » (Politiques, VI, 5). Du reste, ces observations montrent d’elles-mêmes que l’efficacité « religieuse » ou symbolique du tirage au sort n’était déjà plus comprise, ce qui laissait présager sa disparition.

Quant à l’élection à vote majoritaire en place à l’Assemblée et aussi dans ces grands jurys populaires que forment les tribunaux, elle est également remise en question. Car le concept de « majorité » n’est pas une exclusivité de la démocratie. Aristote le rappelle : « La définition même de l’aristocratie, c’est l’excellence, alors que celle de l’oligarchie c’est la richesse et celle de la démocratie la liberté. Mais l’opinion de la majorité l’emporte dans tous les régimes, car en oligarchie, en aristocratie et en démocratie, l’opinion de la majorité de ceux qui participent au gouvernement, c’est elle qui est souveraine » ( Politiques, IV, 8). Et ce qui est interrogé est la composition du groupe qui effectue ce vote : le vote par majorité ne devient-il pas injuste à partir du moment où existent des inégalités numériques entre sous-groupes d’électeurs?

 

Est-ce à dire que ces façons de penser l’élection sont mortes ? Pas vraiment, si l’on en croit ces initiatives de démocraties participatives qui fleurissent actuellement en Europe, et qui montrent, du même coup, qu’« étudier des pratiques du passé peut être un moyen intéressant de renouveler des pratiques présentes, en montrant que, dans certains contextes, un autre chemin est possible » (8).

Laissons donc le mot de la fin à Aristote, pour nous guider sur cet autre chemin : « il y a danger à élire les magistrats sur une liste de gens déjà élus. Si, en effet, un certain nombre, même limité, de citoyens décident de se coaliser, les élections seront perpétuellement soumises à leur volonté » (Politiques II, 6). À bons entendeurs-électeurs...

 

Notes :
1. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse (la traduction ici est celle de Jean Voilquin, Garnier-Flammarion, 1966).

2. Aristote, Constitution d’Athènes (la traduction ici est celle de Georges Mathieu et Bernard Houssoulier, Les Belles Lettres, 1996).

3. Aristote, Les Politiques (la traduction utilisée ici est celle de Pierre Pellegrin, Garnier-Flammarion, 1993).

4. José Antonio Dabdab Trabulsi, Participation directe et démocratie grecque : une histoire exemplaire ?, Presses universitaires de Franche-Comté, 2006, p. 13.

5. Paul Demont, « Tirage au sort et démocratie en Grèce ancienne », La Vie des idées, 22 juin 2010. http://www.laviedesidees.fr/Tirage-au-sort-et-democratie-en.html

6. Odile Tresch, « Le destin dans la Grèce antique », in Revue des Deux Mondes, janvier 2009, p. 130-137.

7. Marcel Piérart, « À propos de l’élection des stratèges athéniens », Bulletin de correspondance hellénique, n° 98, 1, 1974, p. 125-146.

8. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, op. cit.

 

Odile Tresch

Article paru dans la Revue des deux mondes, janvier 2012


Appareil à tirage au sort

Klérotèrion

Musée de l'Agora antique d'Athènes