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Vive la Vulve : Festivulve, vulve rituelle et vulve mythique

 

 

Le Week-end dernier se tenait à Montréal Le Festivulve, organisé par Mel Goyer, fondatrice du mouvement « le vagin connaisseur » ! Mission : « inspirer la société en orientant le focus sur la beauté et la diversité naturelle des vulves », « en faire un événement festif, créatif et accessible à tous les êtres humains », « redonner des lettres de noblesse à la vulve, la célébrer avec un esprit positif et une mission éducative » (https://www.festivulve.com/).

 

Un programme tout en humour et amour de cette partie du corps, avec la présence d’organismes de santé, d’éducation et de pédagogie, d’actions humanitaires, comme l’organisation Clitoraid qui offre une chirurgie reconstructive du clitoris pour les femmes excisées et une thérapie post-opératoire.

 

Car, oui, il s’agit d’un festival on ne peut plus sérieux, la légèreté de ton étant utilisée pour dédramatiser, détabouer, décomplexer le sujet !

La féconde diversité des conférences impressionne : parmi les sujets abordés, la vulvodynie et les douleurs sexuelles, l’évolution de la vulve (« quand petite chatte devient vieux minou », titre trop mignon, ronron garanti), la menstruation positive zéro déchet, les plantes des femmes, la masturbation féminine, la présentation d’une marque de jouets érotiques sans produits toxiques etc…

Des ateliers tout aussi réjouissants de créativité : pratiques méditatives (méditation Yoni Power ou le yoga sensuel), énergétiques (avec l’œuf de Jade), artistiques (atelier d’écriture érotique, créations d’argile et de procelaine), et même un atelier-tuto pour apprendre à coudre son propre protège-dessous.

Des expositions à foison : tatouages de dessins de vulve, art vulvien en céramique, papier pulpe, peintures, bijoux et joaillerie vulviennes !

Et puis le fameux vulva photo-booth de Jean-François O’Kane, qui permet de s’offrir une photo-œuvre d’art de sa vulve et d’en apprécier toute sa beauté !

Et à celles qui en préfèrent une reproduction en 3 D, Dabid Lobjoie, quant à lui, propose un moulage anatomique !

 

ENFIN !!!! Le retour de la vulve vers le futur!

 

Quelle joie de retrouver la vulve honorée !

Docteur en sciences historiques et philologiques, je conçois l’histoire (des faits et des mots) comme un voyage spatio-temporel dans un passé d’ailleurs et un retour vers le futur d’ici. J’aime à penser que le regard porté sur le passé peut subtilement le modifier et donc aussi modifier notre présent. J’aime partir dans le passé, y découvrir ses richesses oubliées et ramener celles qui sont utiles pour notre présent. Dans notre histoire collective, à l’image de notre histoire familiale, j’aime honorer l’héritage qui peut nous servir et pardonner le reste.

À l’époque où j’ai commencé à étudier les rituels de la vie intime des femmes de la Grèce antique, alors que les historiens avaient mis le focus sur l’absence des femmes de la sphère politique, j’ai été fascinée par là où elles s’exprimaient et étaient essentielles à la communauté : le culte, c’est-à-dire le fait de prendre soin du vivant. Je voyageais à une époque où les femmes honoraient la vie, honoraient leur corps, sa beauté, sa fertilité, à une époque où honorer ses organes génitaux et sexuels était « normal » et même essentiel à l’équilibre collectif.

Grand était le contraste avec notre civilisation où le corps est presque un gros mot et les organes génitaux une obscénité !

 

La Vulve rituelle

 

Les fouilles des sanctuaires grecs ont révélé de nombreuses représentations de vulve, en terre cuite, pierre ou métaux précieux, consacrées aux divinités gynécophiles ou guérisseuses.

Ainsi en est-il d’Aphrodite, déesse de l’amour : dans son sanctuaire de Daphni, sur la Voie Sacrée qui d’Athènes mène à Éleusis, ont été mises au jour des vulves votives, datées, pour la plupart d’entre elles, du IVème siècle avant notre ère, dont certaines comportent une inscription dédicatoire qui mentionne le nom de la femme venue consacrer cette offrande à la déesse.

Ainsi en est-il également d’Artémis, grande divinité de la naissance, de la fécondité et des passages : d’Athènes à Éphèse, les femmes lui consacraient des vulves.

Ainsi en est-il enfin du dieu-médecin Asclépios et de Zeus Hypsistos « le très haut », qui détient la puissance de guérison.

 

Aux côtés de ces vulves, l’on peut trouver des représentations d’autres parties du corps féminin : seins, utérus, autant d’ex-voto anatomiques que l’on vient consacrer et honorer … pour des raisons aussi diverses que les thématiques du Festivulve : érotiques, sexuelles, procréatives, médicales, etc…

Dans le même registre, de joyeuses statuettes de terre cuite représentant des femmes dans la position de la grenouille, montrant bien leur sexe, ou d‘autres encore appelées Baubô, où le vêtement est remonté, laissant apparaître le bas-ventre dénudé sur lequel est dessiné un visage, la fente du menton correspondant à la vulve, la bouche, le nez et les yeux aux organes internes.

Ces figurines de vulve personnifiée ont existé partout dans le monde, y compris donc en Occident. Elles ont tellement fasciné Georges Devereux, grand anthropologue et psychanalyste du XXème siècle, fondateur de l’ethnopsychanalyse, auteur de Femmes et mythes, qu’il en utilisa une représentation comme logo de son association d’ethnopsychiatrie et leur consacra un fameux ouvrage : Baubô, la vulve mythique.

 

La vulve mythique

 

Rite et mythe sont toujours intimement liés, le mythe racontant souvent l’origine du rite et le mythe lui-même étant performé dans le cadre du rite.

Montrer sa vulve apparaît dans une partie du mythe de Déméter dont plusieurs versions coexistent, notamment celle de l’hymne homérique consacré à la déesse. Après l’enlèvement de sa fille adorée, Perséphone, par Hadès, Déméter, désespérée, la recherche partout et erre sur la Terre, sous l’apparence d’une vieille femme. Recueillie par une famille noble pour être la nourrice de leur fils, elle montre des signes nets de dépression : prostrée ou en pleurs, elle refuse de manger et de boire. Une servante, appelée Baubô (ou Iambe), retroussa alors son vêtement et s’exhiba dans une sorte de danse du bas-ventre. La déesse alors se mit à rire, retrouva sa joie de vivre et accepta de se nourrir. Telle est la puissance de vie de la vulve !

 

« Mais où est passée Baubô ? »

 

se demande Robert Neuburger, psychiatre auteur de la préface de l’édition Payot de Baubô, la vulve mythique, « l’esprit de Baubô, la liberté d’esprit qui guidait Devereux et l’a conduit à tenir des propos qui peuvent parfois paraître transgressifs face à des normes culturelles actuelles et passagères dont il nous rappelle qu’il s’agit de ne pas les confondre avec les mythes éternels. (…) cette reconnaissance de la vulve dans son droit à un statut égal à celui de la verge – égal ne signifiant pas semblable ».

Par Artémis, au Festivulve !

Je suis partante pour l’édition française !

Et vous ???

 

Odile Tresch

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