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La sagesse du mythe de Procuste : des structures au service des réalités humaines !!!!

 

Le mythe de Proc(r)uste

 

Procrustre est un rustre personnage, dont le nom signifie « celui qui agit pour fracasser », ou « qui fracasse en sa faveur ». On l’appelle aussi Damastès, « celui qui soumet », ou encore Polypémon, « qui cause bien des souffrances ». Son truc, vous l’avez compris, c’est de faire mal. Il tenait une sorte d’hôtel dans l’Attique et, quand un voyageur fatigué arrivait pour se reposer, il le jetait dans un de ses lits mais, au lieu d’attribuer au voyageur un lit à sa taille, il préférait adapter le voyageur à la taille du lit!! Et, donc, si le lit était trop petit, pardon, si l’homme était trop grand pour le lit, il lui coupait les pieds ou les jambes, et si l’homme était trop petit pour le lit, il l’étirait de sorte qu’il rentre pile poil dedans. Tous étaient ainsi mutilés ! Il faudra l’intervention du grand héros civilisateur de l’Attique, Thésée, pour débarrasser le monde de ce psychopathe sadique.

 

Ce mythe illustre les dommages autant horribles qu’absurdes provoqués par une relation inadaptée entre l’animé/l’inanimé, le contenu/le contenant, le vivant/la structure. Quand l’objet n’est pas adapté aux besoins de l’humain, quand le contenant n’épouse pas le contenu, quand la structure n’accompagne pas le vivant mais quand, au contraire, on force le contenu et le vivant à rentrer dans des structures, des idées, des concepts qui n’ont aucun rapport avec les réalités et ne sont pas au service de l’humain, c’est le signe d’une inversion, voire d’une perversion, porteuse de grande violence et d’insensé.

 

Un mythe qui illustre les dérives pathogènes de nos fonctionnements technocratiques actuels dont les effets se révèlent au grand jour

 

Le fait est, pourtant, que ce mythe procrustéen se retrouve dans une partie des structures administratives, à la faveur d’un fonctionnement pyramidal descendant où ceux d’en-haut, ou pensant l’être, conçoivent des systèmes ex-abstracto, sans tenir compte de la réalité des faits et des besoins humains, que ce soit par jouissance d’un pouvoir, ou tout simplement par manque d’expérience concrète et par ignorance. Platon situait le philosophe comme quelqu’un qui, ayant conscience qu’il ignore, n’est ni ignorant ni savant et chemine entre ces deux pôles. Ce qu’il y a de terrible chez l’ignorant, c’est que la première chose qu’il ignore est précisément qu’il ignore. Pensant savoir, il n’écoute pas les autres. Aucun dialogue n’existant entre celui qui dessine le plan et celui qui est sur le terrain à cause d’un ascenseur informationnel s’arrêtant aux différents étages mais dans l’unique direction du rez-de-chaussée, le résultat est souvent absurde et insoluble, car, sans dialogue, pas de dialectique possible. Les missions concrètement irréalisables sont aujourd’hui reconnues comme techniques de management pathogènes, un pas dans la reconnaissance de cette pathologie collective.

 

Les conséquences :

 

à force de vouloir contraindre les réalités humaines dans des moules idéologiques et économiques, plutôt que d’adapter les politiques économiques aux besoins réels, nous nous retrouvons avec un système médical et éducatif à bout de souffle. L'image des hôpitaux où il n'y a pas assez de lits est un criant écho au mythe. La situation universitaire est elle aussi particulièrement éclairante : derrière la loi d’Orientation et de Réussite des étudiants, se cache une énième stratégie politico-économique qui choisit un lit trop petit pour un corpus étudiant plus grand. Mesure procrustéenne s’il en est, donc barbare, qui n’échappe pas aux jeunes générations : ce qu’elles demandent ? Une structure saine, c’est-à-dire au service des êtres humains, comme un hôtelier est censé être au service de ses hôtes… Une structure saine à la fois soutenante et souple qui s’adapte à l’évolution du vivant. Juste des institutions au service de l’humain…

 

 

Odile Tresch