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Chanter la Pleine Lune


Petit rite entre amies : chanter l'Hymne à Séléné


Découvrez, dans cette série d'articles "petits rites entre amies" les rites réalisés par les femmes de la Grèce antique et retrouvez-les, actualisés, dans le guide pratique Petits rites entre amies, inspirés de la Grèce antique qui en donne des possibilités d'applications actuelles au travers d'actes symboliques adaptés à notre époque, dans une perspective de thérapie, de connaissance de soi, de soin de soi.


À l’occasion de la Super Pleine Lune Bleue à éclipse du 31 janvier 2018, pour celles et ceux qui aiment célébrer la Lune en son plein, voici un chant ancien, l’Hymne homérique à Séléné, déesse de la Pleine Lune, traduit du grec par mes soins : 

 

 

"Hymne à Séléné

 

Chantez la déesse de l’éternel cycle mensuel, celle qui déploie ses ailes, ô Muses, filles du Cronide Zeus aux douces voix, vous qui connaissez l’art de la louange ! 

 

C’est d’elle qu’émane la lueur, visible dans le ciel, qui entoure la terre, c’est de sa tête immortelle !

C’est sous sa lueur éclatante que le vaste cosmos s’élance !

C’est de sa couronne d’or que l’air sans lumière resplendit !

Et ses rayons brillent chaque fois qu’après avoir dans l’Océan lavé son beau corps et revêtu ses habits au loin si lumineux, la divine Séléné attèle ses rayonnants poulains aux têtes hautes et, avec impétuosité, mène en avant ses chevaux à la belle crinière, le soir, au milieu du mois !

Son orbe est grand plein, et ses rayons atteignent, quand elle est grosse, leur plus forte luminosité du haut du ciel !

Elle est un repère et un signe pour les mortels !

 

C’est à elle qu’autrefois le Cronide s’unit d’amour et d’étreinte. Et elle, féconde, engendra une fille, Pandéia, qu’on remarque au premier coup d’œil chez les dieux immortels !

 

Je te rends grâce, Souveraine, déesse aux bras blancs, divine Séléné, la bienveillante, aux beaux cheveux bouclés : c’est en commençant par toi que je chanterai les gloires des hommes demi-dieux dont les poètes, qui prennent soin des Muses, célèbrent les actions de leurs voix charmantes. "

 

 

Quelques remarques 

 

* Je n’ai pas cherché à produire une traduction élégante, mon intention étant de rester au plus près de l’étymologie des mots (l’étymologie, telle des "cellules souches des mots", contient un puissant concentré de sens, qui se déploient ensuite dans les termes dérivés) ! Il existe d'autres traductions, plus vieilles et moins proches du texte. 

 

* Séléné signifie « celle qui est pourvue de lumière ».

 

* Plusieurs déesses, parfois assimilées les unes aux autres, représentent la Lune : Artémis, Séléné et Hécate, inextricablement liées, même si on les distingue parfois en associant Artémis aux croissants lunaires, Séléné à la Pleine Lune et Hécate à la nouvelle Lune – ou Lune noire.

 

* Très tôt chez les Grecs, on a établi un parallèle entre le cycle lunaire que l’on observait dans le ciel et le cycle menstruel que les femmes observaient dans leur corps (les menstruations et la lune portent ainsi le même nom). Ces trois déesses sont donc aussi des divinités protectrices de la bonne santé et de la fécondité féminines.

Célébrer la Pleine Lune était ainsi un moyen de rendre grâce, en miroir, au miracle de notre fécondité et du grand cycle de la vie.

 

* Le Poète/chanteur/célébrant est celui qui prend soin des Muses, c’est-à-dire de la Mémoire collective, consciente et inconsciente, par sa voix qui crée un chant empli de charme, avec une dynamique de création d’ordre « érotique » (je parle ici d’Éros entant que puissance motrice de création). Chez les Grecs anciens, il y a une conscience aigüe de la création par le Verbe avec la "bouche d’en haut", qui est une autre manière de mettre au monde complémentaire de celle de la "bouche d’en bas".

Chanter, célébrer est donc un acte très puissant en soi ; chanter la Pleine Lune, c'est-à-dire la fécondité, l'est, bien sûr, encore plus !

 

Belle Pleine Lune à tous!

 

Odile Tresch